Numéro 09 : Les élites en campagne

Du PS Au FN, tous pour les puissants

Que s'est-il donc passé depuis le printemps dernier, lorsque la grande majorité des Français s'élevait contre la loi Travail, symbole de l'extension infinie de l'influence du patronat et des actionnaires sur notre vie politique ? Deviendrions-nous amnésiques tous les cinq ans ? Non, mais entre les différences de moyens considérables des candidats et la mainmise des médias dominants sur la qualification définitive des programmes - « réalistes » et « pragmatiques » pour les uns, « utopiques » ou « sans aucune chance » pour les autres -, force est de constater que d'autres tentent de choisir pour nous les projets politiques que l'on a le droit de considérer et qui ont pour point commun d'être faussement à notre avantage et vraiment au leur.

Conscientes du caractère éculé de leurs alternances sans alternative, socialistes comme républicains s'étant grillés auprès des citoyens, nos élites politiques et économiques ont trouvé un nouveau champion en la personne d'Emmanuel Macron pour nous faire accroire que la continuité serait un changement. Mais si celui-ci échoue, leur caste pourrait s'en tirer honorablement car, du PS au FN, tous font corps avec les puissants : quand Le Pen leur offre la paix sociale en opposant les travailleurs entre eux, Hamon permet au PS de se racheter une virginité et de « faire gauche » alors que l'unique politique économique de ce parti ces dernières années a consisté à étendre le libéralisme.

Rouage de cette machine à faire élire des gens qui nous méprisent, la presse est de plus en plus verrouillée et achetée (au sens propre) pour offrir audience et respectabilité aux candidats des élites. La frustration d'avoir des politiciens et des médias qui nous ressemblent si peu et qui se moquent tant de nous nous a poussés à développer une revue qui étaye les doutes et les malaises de nos concitoyens. Frustration est le fruit d'une histoire collective, conçue en 2013 dans l'amitié et la révolte, poursuivie grâce au soutien de nouveaux membres, contributeurs, lecteurs, abonnés, donateurs, libraires, et toujours réalisée par notre équipe pour livrer des contenus circonstanciés et relus collectivement plutôt qu'une suite de tribunes sans relief entrecoupées de publicités.

La suite logique voulait qu'on trouve partout en France ce trimestriel de critique sociale et politique mettant à disposition du plus grand nombre des argumentaires et des reportages pour repolitiser nos expériences quotidiennes et certains sujets du débat public tranchés d'avance. Un magazine qui pointe le coût du capital plutôt que le « coût du travail », qui promeut la démocratie plutôt que la « blitzkrieg sociale », qui n'accable pas les plus pauvres d'entre nous et ceux qui ont tout quitté pour survivre mais dénonce les vrais privilégiés, ces puissants qui prétendent devenir, le temps d'une élection, nos représentants.