Am Fred B.

L'extrême droite contre la politique

Michaël Fssel, Etienne OLLION

Seuil

Conseillé par
21 janvier 2025

Dans "L’étrange défaite", l’historien Marc Bloch montrait que la débâcle de 1940 n’avait rien d’inexplicable, malgré « les brumes » qui l’entouraient. Le philosophe Michael Foessel et le sociologue Etienne Ollion nous orientent de même vers des paradoxes, des brouillages, des confusions dont l’extrême-droite joue, qu’elle entretient avec efficacité, aidée en cela par des médias et des hommes politiques, par un espace public pris dans cette mécanique délétère. L’un de ces paradoxes, et pas le moindre, est que l’extrême-droite n’a pas remporté de victoire idéologique majeure (sauf sur l’immigration), mais au contraire, elle a faite siennes de nombreuses thématiques sociétales majoritaires (IVG, mariage pour tous, Europe, etc.).
Un essai très stimulant, qui propose à la fois des analyses d’exemples précis et très contemporains (de Meloni à Trump), et des regards plus conceptuels pour penser cette étrange réalité politique.
Et maintenant que faire ? Les auteurs sont moins prolixes à ce sujet. Ils rappellent cependant que la nappe de brouillard s’est brièvement éclaircie à l’occasion de la campagne de juillet 2024, quand les « valeurs » de certains candidats se sont montrées en plein jour, quand certaines mesures se sont révélées inapplicables. C’est donc possible.
Frédéric

OEuvres (1930-1944)

Miklós Radnóti

Points

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18 janvier 2025

Ce chemin mène forcément quelque part...

Il est toujours téméraire de donner un sens à une vie, et pourtant c'est peut-être ce que tente de faire le grand poète hongrois Miklos Radnoti (1909-1944), dont nous avons ici un florilège. Son entrée dans l'existence aurait pu l'anéantir : sa mère meurt en couches, ainsi que son frère jumeau ; lorsqu'il a douze ans, c'est son père qui disparait. D'une famille juive dans une Hongrie très réactionnaire et de plus en plus antisémite, il affronte très tôt la censure, et avec humour! Terrible époque où l'on assassine Garcia Lorca et d'autres consciences trop lucides. Mais Radnoti garde une étonnante force d'esprit, guidé par sa blonde Fanny. Ses textes sont comme des pressentiments de ce qui approche, et tout son effort semble tendu vers l'acceptation d'un destin tragique. Peu à peu les formes libres laissent place à une poésie plus maitrisée, comme si la forme la plus civilisée aidait à affronter le chaos qui vient.
Le titre "Marche forcée", qui renvoie pour nous aux "Marches de la mort" des déportés, traduit bien cet itinéraire subi mais transfiguré qui fut celui de Radnoti : une marche de deux mois sous la férule nazie qui le mènera à la mort, avec ses compagnons. Durant le STO et cette errance finale, il ne cesse d'écrire, des textes sombres et lumineux, habités par le souvenir de ce qui fut et la vision d'une nature toujours vivante. Permanence et bouleversement habitent magnifiquement les derniers textes du recueil.
Frédéric

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21 octobre 2024

Où en sommes-nous avec les animaux?

Les contraintes ont parfois du bon : en 2020, virus oblige, l’anthropologue Charles Stépanoff est privé de Sibérie. Ce spécialiste du chamanisme et des relations entre humains et animaux choisit alors pour terrain d’études le Perche et la Beauce. L’exotisme à cent kilomètres de Paris, en quelque sorte. Deux ans d’enquêtes ethnologiques auprès des chasseurs « paysans », chasseurs à courre et militants anti-chasse, serviront de base à cet essai passionnant. Ses récits d’équipées en forêt aux côtés des veneurs ou des militants animalistes captivent par leur sens du récit et leur humanité. Son regard distancé d’ethnographe, jamais surplombant ni jugeant, analyse les pratiques avec acuité … tout en lui valant parfois l’incompréhension des deux camps ! En bon comparatiste, Charles Stépanoff navigue entre Sibérie et forêt de Rambouillet, tisse subtilement les approches théoriques -histoire, sociologie et anthropologie – et le travail de terrain. On se passionne pour l'élevage des perdrix, pour les mythes de l'hirondelle ou le foisonnement écologique du bocage.
Pour autant, ce n’est pas un essai sur la chasse. Il s’agit plus largement pour l'auteur d’explorer ce paradoxe de nos sociétés modernes : nous surprotégeons certains animaux (« l’animal-enfant »), tout en en vouant d’autres à une exploitation effrénée (« l’animal-matière »). Ce couple infernal qu’il nomme « exploitection » s’est peu à peu noué au cours de notre histoire, et Charles Stépanoff nous invite ici à un ample et lumineux travail de déconstruction.
Frédéric

L'existence dans la peau

David Le Breton

Anne-Marie Métailié

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15 octobre 2024

"Nul ne vit seulement dans un corps physique."

"Les cicatrices sont les hauts lieux cutanés de notre sentiment d'identité et de la reconnaissance de notre personne par les autres." De la cicatrice originelle aux scarifications rituelles, de la mutilation médicale au symptôme compulsif, du signe d'infamie au tatouage-bijou, le sociologue explore les diverses significations de ces traces de vie, de souffrance, ces preuves de courage ou de reconquête du moi-peau. Cette lecture nous invite à être attentifs à ces marques de vulnérabilité et à porter un regard empathique sur le souci de soi.
" Les cicatrices ne sont en rien un stigmate mais plutôt un trophée arraché à la mort. (...) Elles deviennent des sortes de signatures de nos vies."
Anne-Marie

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1 octobre 2024

Portrait d'une Immortelle en femme désirante

A soixante-quinze ans, alors que sa compagne vit les derniers moments d'une longue maladie, Marguerite Yourcenar fait la rencontre d'un jeune Américain. C'est le coup de foudre avec ce coyote-chien fou, qui lui rappelle un tragique amour de jeunesse. L'auteur retrace les étapes de cette relation ambiguë, entre la fascination joyeuse et mélancolique d'un Hadrien pour la jeunesse et la beauté de son Antinoüs, et l'indulgence maternelle d'une Circé, contemplant Ulysse dans sa grotte, avant de financer ses vaisseaux pour l'aventure. Cheminant dans le Grand Œuvre de l'écrivaine, le récit nous confronte au mystère de la création : quand il écrit, que fait l'artiste de son corps, misérable et glorieux ? de ses désirs, emprisonnés dans une chair vieillissante, mais toujours éprise d'absolu ? Une histoire du 20ème siècle à travers le parcours d'une artiste, de l'aristocrate conservatrice à l'icône gay défenseure des droits des animaux. Vivre à tout prix, écrire - "Avidité, avidité chérie ! Seule la mort pourra l'en guérir."
Anne-Marie