Sucre, journal d'une recherche
EAN13
9782889072347
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
DOMAINE ALLEMAND
Langue
français
Langue d'origine
allemand
Fiches UNIMARC
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Sucre, journal d'une recherche

Zoé

Domaine Allemand

Indisponible
La scène originelle qui déclenche la recherche menée dans ce livre est une
vente aux enchères des biens personnels de Werner Bruni, le premier gagnant
millionnaire au loto. Des statuettes de femmes noires y sont vendues à la
criée. Cette scène des années 1980, où s’exprime le colonialisme occidental et
toute l’histoire de l’esclavage, devient le point de départ d’une recherche
qui va s’étendre en rhizome sans nécessairement viser une résolution.
L’autrice se sert pour cette recherche de sources multiples : des images, des
souvenirs, des rêves, des conversations avec des amis, des citations de livres
publiés, anciens ou inédits. Ils composent la matière de cet essai d’un genre
particulier. Dans un geste résolument contemporain et libre, Dorothee Elmiger
organise les sources sans hiérarchie, pour composer un réseau de thèmes en
rhizome qui se font irrésistiblement écho. Il s’agit pour elle de mettre au
jour la construction de notre pensée, constituée de sources et de voix de
toutes sortes. Ainsi l’histoire du premier « Roi du loto » la conduit très
vite sur une autre piste, à Haïti, où elle revisite avec Heinrich von Kleist
la Révolution haïtienne, avant de revenir dans le Jura français, au Fort de
Joux, la prison où Toussaint Louverture a fini ses jours. Dans ce vaste réseau
de correspondances, un élément revient comme un motif récurrent : le sucre,
symbole du capitalisme et des rapports de force entre le Nord qui le consomme,
et le Sud qui le cultive. Mais le sucre conduit aussi sur une autre piste, le
désir, la faim, la consommation effrénée et par là le rapport au corps,
notamment féminin, et aux représentations qu’on s’en fait. Dans toutes ces
recherches, Dorothee Elmiger se montre innovante et capable de faire surgir de
nouvelles images, qui invite à la réflexion. Concernant le rapport au corps
féminin, par exemple, l’autrice renverse les injonctions convenues. La femme
est le sujet qui désire, qui a faim de tout, et veut toujours plus. C., dans
l’histoire d’amour qui est esquissée, échappe à la narratrice, alors qu’elle
veut se donner sans s’économiser, sans craindre la honte ou l’échec. Ce livre
est d’un genre nouveau qui bouleverse nos habitudes de lecture. L’autrice
raconte et expérimente à la fois dans un genre de collage où les fragments les
plus divers se répondent en écho. Car dans notre monde globalisé, tout est lié
et tout se déroule en même temps. Sans jamais donner de leçon, ni de solution,
le texte de Dorothee Elmiger invite à un comportement responsable, dans la
conscience des rapports de force qui agissent le monde. La forme adoptée se
rapproche des manières de David Foster Wallace ou de Deborah Levy: il s’agit
d’un essai sous une forme très personnelle, intime, un genre d’essai-fiction.
La presse allemande a non seulement cité à son propos Levy et Foster Wallace,
mais aussi le monument de la littérature allemande que sont les Passages de
Walter Benjamin. Le dossier « Sucre » qu’elle remplit de toutes sortes de
choses, peut se remplir encore, et l’expérience de lecture est qu’on commence
soi-même à faire des liens, à voir des rapports entre les choses qui nous
entourent, développant une plus grande attention au monde qui nous entoure.
Quelques extraits L ‘extase Et si la vie bonne est une vie vécue avec une
certaine intensité, une vie dont on jouit pleinement, pourquoi pas la ferveur
radicale, l’abandon absolu, la découverte du vide, l’extase, c’est quelque
chose que je comprends bien. L’extase comme éloignement d’un lieu, comme
sortie de soi. La recherche Annette, au dîner : il y a deux ans, elle a lu le
roman d’un écrivain australien qui décrivait une longue suite d’images
fulgurantes, des images qui s’appelaient les unes les autres, donc toutes
liées mais de façon décousue, et qui finissaient par former une sorte de
chemin, un chemin lumineux à travers les choses. Quand je feuillette mes
cahiers et mes copies, les schémas, les reproductions d’images et les
photographies, quand j’ouvre les fichiers entamés au cours de ces derniers
mois, aucun chemin ne m’apparaît, aucune image ne suggère la suivante, même en
superposant les bords, pas d’illumination ; rien que cet endroit, mon point de
départ d’il y a quatre ou cinq ans ; et depuis, tout ce qui m’est tombé entre
les mains, tout ce que j’ai vu et qui m’a semblé avoir un rapport avec ce
premier endroit, je l’ai recueilli et l’ai accueilli sur cette vaste place.
(…) Ce que je fabrique, au milieu de cette drôle de communauté d’éléments, ce
patchwork géographique et les documents, artefacts et fantasmes s’y
rapportant, me semble être lié à cette « constitutional hunger », cette faim
constitutive, ce « désir de sortir de soi », qu’Ortega y Gasset voit à
l’origine de toutes les orgies (« l’ivresse, le mystique, l’état amoureux,
etc. ») : peut-être qu’il serait juste de dire que cette faim est le véritable
objet de ma recherche, l’endroit où dort le travailleur haïtien, abrité par
les arbres du parc du château de Plaisir, etc. – l’objet, mais aussi la raison
de ma recherche, le moteur de toute cette petite production. (…) Longtemps
j’ai déposé mes notes et mes photocopies dans mon dossier « Sucre » en pensant
que je pourrais suivre les événements, les personnes et leurs désirs, leurs
implications et entrelacements divers, sans me mettre moi-même en jeu. Dans ce
cagibi, je prends conscience qu’il s’agissait là d’un malentendu, depuis le
début. L’amour –– Donc, c’est quoi l’Amour. Tu poses de ces questions. À vrai
dire je n’en sais rien, je me rends compte aussi que je confonds tout le temps
ces choses-là ou peut-être que ce sont les mots que nous confondons. Au sens
le plus large, je dirais peut-être que c’est une disposition, une
disponibilité. Qu’en penses-tu ? –– Une attention portée à l’autre peut-être,
dénuée d’intention ? Dorothee Elmiger est née en 1985 en Suisse allemande.
Elle a suivi un cursus en écriture créative aux instituts littéraires de
Bienne et de Leipzig avant d’étudier l’histoire, la philosophie et les
sciences politiques à Lucerne et à Berlin. En 2010, elle participe au célèbre
concours littéraire autrichien Le Prix Ingeborg Bachmann où elle remporte le
2e prix avec un extrait de ce qui sera son premier roman, Invitation aux
casses-cous. Son deuxième roman a été traduit en français par les éditions
d’en bas (La société des abeilles, trad. Lila van Huyen, 2016). Sucre, journal
d’une recherche, est sa troisième publication. Il a été sur les listes des
Prix allemand et suisse du livre, et a été salué par de nombreux prix, le prix
Franz-Hessel et Nicolas-Bornholmer, entre autres. Depuis 2022, Dorothee
Elmiger est éditrice pour la collection Volte des éditions Spector Books, à
Leipzig, qui consacre une place importante aux écritures expérimentales et
contemporaines. Elle habite aujourd’hui à New York. La presse allemande la
présente comme la voix la plus prometteuse de la littérature germanophone,
elle rapproche Sucre, journal d’une recherche de David Foster Wallace ou de
Deborah Levy pour sa manière très personnelle de créer un nouveau genre d
’essai-fiction. On la compare aussi au monument de la littérature allemande
Walter Benjamin. www.dorotheeelmiger.com
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